Miossec : Evoluer En Troisième Division (0077)

Publié le par Boris Ryczek

A l’heure de la mi-temps, je peux le dire : malgré mes nombreuses réserves à son sujet, je suis quand même soulagé que Royal soit présente au second tour et ravi que Le Pen se soit pris la plus grosse caisse de sa carrière politique ! Ne pas voir sa sale tronche autosatisfaite se pavaner a la télévision m’a permis de bien mieux dormir qu’il y a cinq ans. De là à remercier Sarkozy, qui partage avec lui beaucoup trop de points communs à mon goût, il y a un pas que je ne franchirai pas !


Mais revenons-en à deux sujets qui, bien que moins graves, déchaînent autant les passions que la politique : la musique et le football. A côté des très sceptiques Nits, j’ai également inclus dans ma liste une chanson d’un vrai fan de foot : Miossec. En ramenant les choses à une échelle individuelle, aux espoirs et aux déceptions d’un joueur, il parvient à m’émouvoir et même à me faire ressentir ce que ce sport peut avoir de beau, « les coups de pied aux étoiles » par exemple. Tout l’art du chanteur se condense dans ces trois minutes : sa manière de nous laisser deviner les blessures d’une relation amoureuse à travers quelques allusions, dans un dialogue sans début ni fin. C’est, comme souvent, un alter ego qui s’exprime, Miossec ayant effectivement eu une carrière de joueur de hand-ball en troisième division, mais on quitte le terrain des généralités pour entrer dans un de ces petits systèmes de rimes et de rancœurs qui abondent sur le magnifique Boire.


Un membre de Louise Attaque présentait récemment cet album comme un équivalent de London Calling pour les musiciens français des années 90. Selon ses termes, il fut pour eux aussi décomplexant, aussi punk, à sa manière… Mais, comme le chef-d’œuvre des Clash, il n’a jamais pu être égalé, ne serait-ce que par Miossec lui-même. Bien que très dépouillé en termes de production et d’arrangements, il fait preuve d’une hallucinante maîtrise musicale, aussi désinvolte envers la régularité des couplets et des refrains qu’efficace d’un point de vue mélodique. Un simple coup d’œil au texte d’Evoluer En Troisième Division permet de le vérifier : on est dans le véritable hors-format, dans une inventivité qui travaille la strophe au corps, la tordant pour l’adapter entièrement à un discours personnel.


Plus fondamentalement, Boire est aussi exemplaire d’une qualité bien plus difficile à définir, et que, malgré les qualités de ses productions suivantes, Miossec semble avoir un peu dilapidée en cours de route : l’urgence. Chaque chanson semble à fleur de peau et chaque mot pesé, longtemps contenu avant de finalement sortir, quand il n’était plus possible de le garder pour soi. A ce titre, il est de ces disques dont – artiste ou auditeur – on se remet difficilement.



Les Paroles :

Comment t'as trouvé la finale ?
Qu'en penses-tu dis le moi ?
Même si je ne suis qu'un bon cheval
Ou un gros bourrin tu as le choix
Un arrière droit assez brutal évoluant en D3
Qui sent la bière et l'animal
Les tacles et la mauvaise foi


Allez c'est ma tournée générale
Qu'est ce que tu bois ?
De l'horizon ou du fond de cale
Du Sans-Rival ou de la Badoit
C'est
bien que tu sois à la finale
Dans les vestiaires pour une fois
Car si j'ai joué vraiment si mal
C'est que je voudrais encore une fois
Retourner les miroirs, étouffer les sirènes
Pour ne plus te revoir espérer qu'il revienne
T'attraper la mâchoire pour que ta peau devienne
Plus douce que ta mémoire, toujours chaude de son haleine


Fais comme si j'étais en sueur
Fais comme si j'étais bien meilleur
En sueur


Tu sais c'est con les jeux de balle
Quand on est à trois
Y'en a toujours un qui touche que dalle
Hormis peut-être des bouts de croix


Mais je ne suis qu'un bon cheval
Ou un gros bourrin tu as le choix
Un arrière droit assez brutal évoluant en D3
Qui sent la bière et l'animal
Les tacles et la mauvaise foi
Mais pour les coups de pied aux étoiles
Oh pour ça je suis le roi
Quand je m'achève sur les comptoirs
Comme une grosse baleine
Qui attend sans trop y croire qu'un jour tu lui reviennes


Qu'un jour tu lui déclares tu joue pas si mal quand même
Qu'un jour tu lui déclares tu joue pas si mal quand même


Fais comme si j'étais en sueur
Fais comme si j'étais bien meilleur


(Miossec, Boire, 1995, PIAS)

 

Publié dans Mille et une chansons

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T
Je me souviens très bien du jour où t'as ramené l'album (trouvaille made in St Ouen, i suppose) avec ce drôle de gus. sur la pochette. L'ambiance était à l'amorphisme cannabique sous perfusion pink floydienne... tableau classique d'une jeunesse qui de guerre lasse ressasse. T'as mis un morceau, celui qui l'a fait connaître "les deux genoux à terre" . Et puis voilà la chanson française repartait de nouvelle avant qu'elle replonge aussitôt dans le néonéonéonéo.<br /> Aujourd'hui, je ne peux plus l'écouter . Tableau moderne d'une adulterie qui de paix lasse ne veux plus ressasser?
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