Robert Wyatt : The Internationale (0075)

Publié le par Boris Ryczek

Quand je commence à parler politique, j’ai un peu de mal à m’arrêter, surtout si les circonstances m’y encouragent. Mais ce n’est pas une raison pour interrompre la présentation de mes chansons favorites ! J’ai inclus L’Internationale sans hésiter parce que je trouve son message global plus que jamais pertinent, malgré quelques archaïsmes dans le détail de ses paroles. L’actualité nous donne amplement matière à y réfléchir…


Je viens de voir Bayrou à la télé. Il a l’air de bonne volonté, Bayrou. J’apprécie à leur juste valeur les hommes de droite qui s’engagent contre Sarkozy. Mais quand il se présente comme un rassembleur, ça me fait doucement rigoler ! Le Capital et les travailleurs n’ont pas les mêmes intérêts : ça n’a jamais été le cas et ça ne le sera pas tant que le Capital n’appartiendra pas aux travailleurs. Que l’Etat puisse jouer un rôle d’arbitre entre les deux, c’est incontestable, mais qu’il puisse réconcilier tout le monde autour d’un grand barbecue national, c’est évidemment chimérique. L’équilibre que le candidat de l’UDF propose d’établir ne garantirait, à mon sens, qu’une paix sociale supérieure à celle que promet Sarkozy. Et encore, à une stricte échelle nationale, et au prix d’un contrôle tout aussi injuste de l’immigration…. Je n’y trouve aucune solution économique viable.


Sous une présidence Bayrou, les entreprises auraient par exemple droit à d’énormes déductions fiscales si elles embauchent. Mais on ne résoudra pas le problème du chômage ainsi. D’une part, techniquement, parce que le nombre d’emplois nécessaires ne va pas cesser de diminuer. D’autre part, parce que les entreprises trouveront toujours des employés moins chers et plus flexibles qu’ici, à moins que nous ne consentions à revenir à des salaires et un code du travail similaires à celui de la Malaisie ! Un état en lutte contre le chômage, c’est un état en lutte contre les intérêts du patronat. De même qu’un état désireux de résoudre le problème du logement s’attaquera d’abord à la spéculation immobilière…


Avec la mondialisation, la lutte des classes a changé de forme, mais pas de nature. Et la balance des pouvoirs penche plus que jamais du côté des puissances financières qui se livrent une concurrence impitoyable – il est vrai – mais savent également défendre leurs intérêts grâce à des alliances internationales de plus en plus soudées, qui leur permettent de faire échouer la plupart des traités nécessaires à la population, y compris dans des domaines aussi cruciaux que la santé ou l’environnement. Quelle est la réponse des travailleurs ? Aucune : l’altermondialisme ne fonctionne toujours pas et plus que jamais, nous vivons, partout dans le monde, une période de repli sur soi, sur son pays, sa religion, son équipe de foot… D’où la pertinence, à mon sens, de l’hymne international le plus symbolique qui ait été composé à ce jour et qui, lui, rassemble réellement les militants de la Gauche du monde entier ; sauf Ségolène Royal, qui a décidé qu’il fallait désormais lui préférer la Marseillaise, dans les meetings du PS.


La version de Robert Wyatt présente l’intérêt d’être, en plus, intéressante musicalement, dotée de ce mélange d’exigence et de bonhomie qui caractérise l’ensemble de son œuvre. On croirait presque entendre une comptine pour enfants, avec un as des as à la batterie ! Son adaptation des paroles françaises s’écarte elle aussi, assez judicieusement, de celle traditionnellement interprétée dans les meetings socialistes britanniques.


Les Paroles :


Behold them seated in their glory
The kings of mine and rail and soil
What have you read in all their story
But how they plundered toil?
The fruits of the people’s toil are buried
In the strongholds of the few
In working for their restitution
The people only claim their due


It’s the final conflict
Let it stand in its place
The International Party
Shall be the human race
It’s the final conflict
Let it stand in its place
The International Party
Shall be the human race


No Saviours from on high deliver
No trust have we in prince or peer
Our own right hand the chains of must shiver
Chains of hatred, of greed and fear
Ere the thieves will out with their booty
And to all give a happier lot
Each at the forge must do his duty
And strike the iron while it's hot


It’s the final conflict
Let it stand in its place
The International Party
Shall be the human race
It’s the final conflict
Let it stand in its place
The International Party
Unites the human race

(Pottier – Degeyter, adaptation : Wyatt, 45 tours, 1982, Rough Trade)

Publié dans Mille et une chansons

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T
Je viens de comprendre Geoffroy,<br /> Quand on dit que la poésie, c'est une manière de philosopher<br /> Je peux dire aussi que le chant est une façon de politiser... ce qu'on vit.<br /> Mais dès le début, j'ai volontairement écrit:<br />  "faire de la musique est souvent un acte politique" <br /> Tu avais parfaitement raison de souligner le parfois. Question de nuance... qui me laisse sans réponse. A la prochaine.
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G
No stress... Je ne cherche pas à polémiquer, mais à débattre. Je t'ai répondu parce que ton affirmation m'a interpellé. Je n'avais pas de position préconçue sur le sujet et j'estime que dans ces cas-là, c'est la confrontation d'idées (chacun venant avec son propre bagage culturel) qui permet à tout un chacun de se faire sa propre opinion. Mon objectif n'était donc absolument pas de brasser de l'air pour le plaisir, ni d'imposer ma vérité que j'ai à moi, simplement d'essayer de comprendre pourquoi une certaine personne estime qu'en chaque chanson réside un acte politique.
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T
CUT 1: la police 14 gras était accidentelle.<br /> CUT 2:  je te rappelle que je suis transfrontalier (Roubaix) et que je vais aussi souvent que je peux humer l'air de ton drôle de royaume, flairer la bonne mousse, et  y perdre mon latin... Je ne suis là-dessus pas baudelairien pour un sou. <br /> CUT 3: Ênervé? Je pensais que tu cherchais la polémique! Plus sérieusement, j'ai écrit le premier poste sans vraiment réfléchir dans le but d'écrire un p'tit mot sympathique sur le blog d'un grand ami. Mais je reconnais -maintenant- tu as la mérite et l'insistance de me "bousculer" dans mes certitudes du genre "tout est politique"... Sex, politics & cinema <br /> CUT 4: Lorsque j'ai été amené sur pop-rock, j'ai eu le plaisir de "connaître" un rédac'chef capable d'accepter mes chroniques olé-olé. Moi qui n'ai pas une fibre particulière/affinée pour la musique pop-rock, je voyais ça comme un exercice de style allant quasiment jamais à un concert, n'achetant aucun album hormis des compils afro 70. Cependant,y'a eu deux grandes rencontres qui m'on appris à apprivoiser le rock: Boris (et oui encore et toujours lui) et Alain (philosophe punk -pour faire journaliste donc court). Alors je reconnais l'énorme ouverture (rare aujourd'hui mais c'est aussi ça Internet ) de votre site au-delà des jugements politiques des uns et des autres. pARCE QUe VRAiMENT MON PEDiGREE Ne PèSE PAS BiEN LouRD...<br /> CUT 5: (je mets des "cut" parce que t'as l'air de bien apprécier les formules "NB") J'ai tendance à te considérer comme le chroniqueur de pop-rock que je ne pourrais être. Heureusement! Donc tu vois pas d'animosité mais beaucoup de reconnaissance.<br /> CUT 6: Bon, vu que tu as une longueur d'avance sur la question... Je réfléchirai à 2 fois avant de te répondre bientôt... <br />  <br />  <br />  <br />  
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G
PARLE PLUS FORT, J'ENTEND RIEN !<br /> Trève de plaisanterie. <br /> D'un côté tu as des chanteurs en liberté, sur lesquels je n'ai rien à redire. Dylan, Springsteen, Noir Désir, même les punks, à leur manière s'engagent socialement ou politiquement. On ne va pas pérorer sur la pertincence du message de certains d'entre eux (j'ai jamais rencontré quelqu'un opposé aux puissantes assertions selon lesquelles "ce serait bien qu'y aie moins de pauvres", ou "la liberté, c'est important", ou "tous les hommes sont égaux"). C'est valable également pour une bonne partie du rap et du hip-hop (je n'en écoute pas, question d'affinité musicale, ni plus, ni moins). J'ai envie d'ajouter que dénoncer une situation sociale difficile (comme l'a fait le grunge, par exemple), ce n'est pas faire de la politique. On est plus proche de la description d'une situation, du constat social, que de la prise de position et du militantisme.<br /> D'un autre côté, tu as la musique apolitique (puisqu'il faut lui donner un qualificatif). Ca recouvre, je pense, l'immense majorité de la musique (pop-rock en tout cas). Et c'est justement sur celle-là et la seconde partie de ton argumentation que je m'interroge. Dire que chaque chanson transmet des valeurs, des signes collectifs, je trouve ça bizarre. Noir Désir, groupe engagé, est aussi capable de chansons totalement barrées sur les bitures (Sober song), la masturbation (Alice) ou le sexe (avec une très belle mise en perspective sur l'histoire du bloc de l'est dans A l'arrière des taxis, je le concède). Il faut accepter qu'un artiste n'aie rien de fédérateur à raconter, qu'il se contente de rapporter une histoire, sinon, à ce tarif-là, on fait tous de la politique même quand on fait ses courses.<br /> Il est vrai néanmoins que parfois, certaines chansons sont récupérées dans un but politique alors qu'elles n'en ont aucune vocation. Je pense à another brick in the wall pt2 du Floyd, ou à wind of change des Scorpions. Faut-il en déduire que les groupes ont fait de la politique ? Pour moi, non. C'est l'interprétation qui en a été faite qui est politique et un groupe ne peut en aucun cas être tenu responsable de la manière dont un public reçoit sa chanson. Ca reviendrait à reconnaître une responsabilité à Marylin Manson dans la fusillade de Columbine ou à Pink Floyd, Judas Priest et bien d'autres dans les suicides de certains fans. Ca me rappelle tous ces gens qui se marient sur Hotel California, pensant qu'il s'agit d'une chanson d'amour alors que les textes sont sataniques (comme on appelait ça à l'époque).<br /> Mode points sur les "i" ON - Et arrête de t'exciter, putain ! Je voulais juste savoir ce que tu voulais dire dans ton premier message et en débattre parce que ça me semblait intéressant. Si t'as un problème avec moi, avec les Belges, avec Sarko, avec ceux qui votent Sarko ou avec mon rédac' chef, tu me le dis clairment, ou mieux, tu m'ignores - mode points sur les "i" OFF.<br /> Bien à toi.
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T
<br /> Très bien, puisque tu insistes, je m’en vais badiner. <br /> H. Miller était un adepte du bouquinage aux chiottes, je fais de même, mon père aussi. Chez lui, en ce moment y’a un bouquin de Woodie Guthrie, ça change de la poésie. La jaquette montre une guitare sur laquelle on lit ce slogan: « cette machine tue les fascistes ». Jamais écouté, inspirateur de Dylan, je feuillette sans savoir que ce quelqu’un est un sacré type…<br />  <br /> Ça c’est le bon côté des folk songer, des individualités qui par leur vécu s’engagent musicalement. C’est ce que tu appelles schématiquement les « chanteurs engagés », moi j’y verrais plutôt des « chanteurs en liberté » pour faire naïf et pourtant… Je ne sais plus qui disaient que les plus beaux chants sont des chants de révolte. Y’a de cela. <br /> <br /> Le temps des cerises <br />  <br /> Je considère que l’art est politique même quand il y a apolitisme affiché, ludisme acclamé, spectaculaire m’a-tu vu… car elle transmet des valeurs vectorielles, des signes collectifs… Inconscient ou pas. Les phénomènes culturels, ça ne vient pas de l’espace!<br />  <br /> Mais peut-être Geoffroy que tu n’écoutes pas assez de Hip Hop pour te rendre compte que si en Chili 73 l’armée brisa les poignets de Victor Jara pour qu’il ne puisse plus jamais jouer de la guitare, aujourd’hui on peut censurer de plein d’autres manières.<br />  <br /> Mais je ne suis ni belge ni sarkophile alors je dois avoir tout faux. Mes hommages à ton rédacteur en chef.<br />  <br /> peut s’écouter comme une belle chanson d’amour printanière tradition Ronsard… Elle en demeure pas moins puissante par le sens politique que l’histoire lui a conféré.
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